Le numéro 56 de Carnets d’Aventures a de nouveau été l’occasion de proposé un de mes récits de trek. En l’occurence la traversée de Belledonne le long du GR738 réalisé durant l’été 2018. La publication s’inscrit dans le cadre du concours « Changer d’approche » de l’association Mountain Wilderness dont j’avais gagné le prix « Bivouac ». Je vous laisse découvrir le récit et également la réflexion sur la mobilité douce en général.

Vous avez sans doute déjà entendu parler du concours Changer d’Approche organisé par Mountain Wilderness (changerdapproche.org). Cette démarche promeut les sorties en montagne avec accès en transports en commun. Carnets d’Aventures est partenaire du concours et nous décernons un prix spécial bivouac. Pour la 10e édition, c’est Guillaume Pouyau le lauréat avec sa traversée du massif de Belledonne à pied, et accès en train + bus depuis Paris. Une bonne raison de publier son récit (page 72) qui inaugure une nouvelle rubrique « Mobilité douce » avec laquelle nous souhaitons encourager encore davantage l’utilisation des transports « doux » pour aller réaliser de belles itinérances sans moteur ! Guillaume pratique le trek bivouac un peu partout en Europe ; que ce soit en France ou à l’étranger, au quotidien ou pour ses voyages, il utilise la mobilité douce et la met en avant. Nous évoquons ensemble ce concept sympathique et élégant !

Une part significative de nos émissions de gaz à effet de serre a pour origine le transport (~40% en France), en particulier les transports routiers et aérien. Face au paradigme du « tout voiture », le concept de mobilité douce, d’écomobilité ou de mobilité durable, regroupe « des modes de transport jugés moins nuisibles pour l’environnement, sûrs et sobres, en particulier à moindre contribution aux émissions de gaz à effet de serre » (Wikipédia).

La mobilité douce offre une alternative écoresponsable aussi bien lors de nos déplacements quotidiens que de nos voyages. C’est ce dernier point que nous abordons plus spécialement dans cet article, mais gardons en tête que c’est l’ensemble de nos actions qui fera une différence sur la santé du climat. Par mobilité douce, nous entendons donc les moyens non motorisés (la marche, le vélo, le kayak…) ainsi que le train et plus généralement les transports en commun de surface car ce sont des alternatives pertinentes pour réduire l’impact global de nos déplacements.

Partons de deux exemples :

  • Paris – Grenoble : 575 km par la route. En voiture, ce voyage vous prendra 5h20, consommera 30L de carburant et rejettera environ 100 kg de CO2 (pour une voiture récente), disons donc 50 kg par passager car c’est toujours plus agréable de voyager à deux. Allons-y à présent en train, on arrivera en 3 heures, durant lesquelles nous auront bouquiné Carnets d’aventures, on aura virtuellement consommé 0L de pétrole et les émissions de CO2 seront d’environ 2 kg par passager …
  • Un vol aller-retour Paris – Buenos-Aires émettra 4 tonnes de CO2 par passager, de quoi environ doubler son bilan carbone annuel. Les chiffres parlent d’eux-mêmes… Nous sommes de plus en plus écoresponsables dans nos gestes du quotidien, mais pour ce qui est de nos vacances, nous avons souvent tendance à oublier ces bonnes résolutions et à sous-estimer (par méconnaissance ?) l’impact réel de nos actions (« je fais des efforts toute l’année, ce n’est donc pas gênant si je fais un trajet aérien pour mes vacances » sans prendre en compte que celui-ci peut doubler mon bilan carbone annuel). Il est vrai que la mobilité douce impose quelques contraintes, notamment en transport en commun, comme des horaires précis, parfois des correspondances à gérer, et potentiellement le coût qui peut être plus élevé par personne (c’est le cas dans notre exemple Paris – Grenoble). Mais demandons-nous plutôt pourquoi favoriser la mobilité douce, nous voyons ici trois raisons pertinentes :
  • Accessibilité : partons du constat qu’en France le réseau ferré est particulièrement bien développé et des zones, mêmes reculées, sont accessibles en train ou transport en commun. Par ailleurs, on compte aujourd’hui 20.000 km de véloroute juste en France. Des solutions existent déjà mais il faut évidemment développer et favoriser une politique cohérente ayant pour but de proposer aux usagers une alternative écoresponsable à la voiture (comme exemple, ne pas supprimer les trains de nuits, ou proposer des alternatives fiables), notamment pour les trajets du quotidien. De même pour les déplacements en Europe, la mobilité douce est une bonne alternative à la voiture ou l’avion. Lors d’un voyage que j’ai pu faire en Laponie, le train depuis Oslo restait plus intéressant que le « tout avion » si nous prenions en compte l’intégralité des horaires et les coûts associés.
  • Écoresponsabilité : la raison principale de choisir la mobilité douce est évidemment environnementale. Se déplacer à vélo a un impact qui n’est en rien comparable à celui d’un trajet, même court, en voiture. Là encore, souvent par méconnaissance des ordres de grandeur de l’impact de nos actions, on peut remarquer des « incohérences » dans nos comportements : par exemple, on constate que jeter en montagne les ordures de son pique-nique ne viendrait à l’idée de (quasiment) personne et est massivement considéré comme écologiquement choquant, alors prendre quotidiennement la voiture pour des petits trajets qui seraient aisément faisables autrement est dans les habitudes de beaucoup, sans que l’on prenne conscience de l’impact de ces trajets sur le réchauffement climatique, la destruction des espaces sauvages… En France, le nombre moyen d’occupants d’une voiture pour des déplacements de loisir se situe aux alentours de 2 (1,5 pour les transports quotidiens domicile-travail). Les Français parcourent par an environ 725 milliards de kilomètres en voiture contre 8 milliards en transport en commun. Imaginez le gain environnemental majeur que représenterait une baisse ne serait-ce que de 5% de notre utilisation de la voiture.
  • Santé et société : si c’est bon pour la planète, ça l’est également (surtout) pour nous et notre qualité de vie, à court, moyen, et long terme. Se déplacer à vélo ou à pied permet de pratiquer une activité physique, avec tous les bénéfices que cela procure dans nos vies souvent trop sédentaires. De plus la réduction des polluants atmosphériques a une incidence directe sur la qualité de l’air et donc sur notre santé (la pollution de l’air est responsable de 800.000 décès par an en Europe). En se déplaçant en train, on réduit la fatigue par rapport à la voiture. On peut lire, dormir, rencontrer de nouvelles personnes, etc.

Outre ces raisons, la mobilité douce nous apporte une autre richesse : elle permet de changer notre conception du voyage et l’approche que l’on en a. Elle remet l’humain et sa connexion à son monde au centre du voyage. Prenons de nouveau un exemple. Si je pars d’Orléans pour Nantes, je peux le faire en quelques heures en voiture, c’est bien, c’est efficace… En train également, même durée approximative, mais déjà j’ai le temps de suivre les paysages, de voir la Loire sinuer le long de son cours, de savourer un peu plus l’instant. Et pourquoi ne pas l’envisager à vélo ? Vous partirez alors pour quelques jours (et pour certains quelques douleurs aux fesses ) mais finalement, vous allez vivre la Loire de l’intérieur, passer au coeur d’une zone classée au patrimoine mondial de l’Unesco, pique-niquer à Chambord plutôt que sur une aire d’autoroute, le soir vous camperez ou bien vous logerez dans une petite maison d’hôte… Bref, le trajet prend une ampleur tout autre et finalement un banal Orléans – Nantes se transforme en aventure !

Nous oublions trop souvent cette dimension dans nos déplacements ; pouvoir voyager loin rapidement est devenu si évident que cela en a perdu sa part de magie. Le trajet ne fait plus vraiment partie de l’expérience, alors que la mobilité douce le remet au coeur de l’aventure. Le lien qui relie les points A et B fait partie du voyage et n’est plus une contrainte. À terme ce qui était un moyen devient une fin en soi. On ne voyage plus forcément pour partir quelque part mais c’est partir qui devient un voyage.

À l’heure du « toujours plus » – plus vite, plus loin –, la mobilité douce propose donc un contrepied, celui de la vraie découverte et par là même, une approche plus romantique du voyage. Nous pourrions (devrions) nous demander systématiquement : « Ai-je besoin d’aller au bout du monde pour mes vacances ? N’y a-t-il pas à portée de main de belles aventures à vivre ? » Il n’est pas toujours simple de changer ses habitudes mais si nous souhaitons encore profiter des espaces sauvages, nous le devons ; encore plus nous tous, les amoureux de la nature. Changeons pas à pas, réalisons une transition douce. De mon côté, je continue à remettre en question mon mode de vie au quotidien ; longue est ma route mais la graine est là et elle germe…